Omerville, siège d’une ancienne commanderie

Omerville, perché sur un plateau en surplomb de la vallée de l’Aubette, est un petit village de 320 âmes, que j’aime tout particulièrement. Qu’il est agréable d’arpenter ses ruelles qui semblent s’enrouler en colimaçon autour de l’église et à leur abondante végétation colorée et fleurie. Il est si paisible et pourtant si vivant, grâce aux marchés et animations organisés tout au long de l’année par ses habitants.

Son étymologie vient de l’anthroponyme germanique Audomar (ou Aldemarus) et du suffixe latin -villa qui désigne un domaine rural. Le nom d’Omervilla sera relevé dès 1240.

Le territoire de la commune englobe également les hameaux d’Amiel, de Gerville et du Mesnil, ainsi que le lieu-dit de Louvières, tous situés sur le versant opposé de l’Aubette.


Le manoir de Mornay-Villarceaux

Après être arrivé dans le village par une route bordée de grands arbres, on ne peut rater, sur la place principale, le manoir de Mornay-Villarceaux, également appelé Hôtel des Essarts, du nom d’anciens seigneurs d’Omerville.

Classé monument historique, il fut construit au début du XVIe siècle pour l’un des seigneurs de la lignée d’Isque, sur l’emplacement de l’ancien château médiéval. Il impressionne quelque peu par sa longue façade cernée de tourelles qui rappellent sa fonction défensive initiale. Quelques éléments tels que des frises et des moulures à motif végétal, typiques de la Renaissance, viennent néanmoins l’adoucir. Côté cour, la bâtisse présente une façade à colombages dotée de galeries à balustres (le domaine étant privé, cette partie est non visible depuis la place).

A l’intérieur du logis trônait jadis une cheminée richement sculptée et surmontée des portraits du roi François 1er et de la reine ; cette incroyable pièce fut malheureusement vendue au XIXe siècle.

Source Archives Départementales du Val d’Oise

En 1647, le manoir est acquis par Louis de Mornay, Marquis de Villarceaux, qui y installe un temps sa célèbre maîtresse Ninon de Lenclos. Plus tard, le manoir sera transformé en exploitation agricole.


L’église Saint-Martin

En poursuivant vers l’église depuis la place Saint-Martin, on ne manquera pas de noter la ressemblance de son chevet avec celui de l’église d’Auvers-sur-Oise, représentée sur les peintures de Van Gogh. Si l’extérieur reste somme toute assez sobre, l’intérieur recèle d’éléments intéressants.

Les premiers travaux de construction de l’église Saint-Martin remontent à la fin du XIe siècle. Bâtie tout en longueur, elle a pour particularité de ne posséder aucune chapelle. Jusqu’en 1905, date à laquelle elle fut totalement détruite sur décision de la mairie, une flèche de pierre du XIIe siècle venait coiffer le clocher. Touchée par la foudre en 1897, son état présentait en effet des risques pour la sécurité. Cette flèche était surmontée d’une girouette, sous la forme d’une croix ornementée d’1,75m de hauteur. Cette girouette a d’abord été vendue à un chiffonnier en 1910, avant d’être rachetée par un agriculteur du village qui l’installa sur la tombe de ses aïeux. Elle a depuis été restituée à la commune et a rejoint le chœur de l’église où elle est à présent exposée.

La nef

La nef romane, avec son plafond à caissons moderne de 1875, peut surprendre. On y trouve une Vierge à l’Enfant et des statues d’époques variables représentant Saint-Martin, Sainte-Clotilde et Saint-Roch. Des ouvrages en ferronnerie d’art, tels une magnifique chaire en bois et fer forgé unique dans le Vexin, et un non moins beau portail ouvrant sur le chœur et l’abside, offrent à voir volutes, cœurs, fleurs et monogrammes.

La base du clocher est supportée par une belle voute en berceau plein-cintre, ornée de motifs polychromés. On y voit notamment des fleurs de lys et des engoulants, ces gueules d’animaux menaçants – tantôt mythiques, tantôt réels – placées à la base de poutres ou de colonnes qu’elles semblent avaler.

La gisante d’Omerville

L’église abrite une gisante qui passe pour être l’une des plus belles du Val d’Oise. Diverses identités lui furent attribuées, mais les hypothèses émises furent toutes réfutées. On pensa ainsi qu’il pouvait s’agir de la mère supérieure d’un couvent situé près de Louvières – il s’est avéré que celui-ci n’avait jamais existé – ou encore de Marie de Trie, fille d’un seigneur local morte en 1525, dont le nom figurait sur des inscriptions et dont la gisante surmonte le tombeau – mais la gisante étant, entre autres,  datée du XIVe siècle, cette supposition fut infirmée. Il n’en est pas moins que les historiens locaux ont déclaré cette gisante inconnue « digne d’une nécropole royale ».

Le choeur

Sainte-Clotilde

Longtemps, les habitants d’Omerville vouèrent une dévotion toute particulière à Sainte-Clotilde, la femme du roi Clovis. Oublié un temps, le culte de Sainte-Clotilde fut relancé en 1758 par l’abbé Bérault-Belcastel – qui sera deux décennies plus tard, célèbre dans tout le pays pour son ouvrage traduit en plusieurs langues sur l’Histoire de l’Église en 24 volumes – et perpétué à Omerville jusqu’au début de la Seconde Guerre Mondiale. Chaque année, le 4 Juin, un feu de la Sainte-Clotilde était allumé. Après que le bûcher ait été béni par le curé du village, les enfants étaient balancés au-dessus des flammes, geste censé les protéger de la maladie. Puis les villageois ramenaient chez eux un tison qu’ils conservaient l’année durant, pour que Sainte-Clotilde éloigne la foudre de leurs maisons et préserve les cultures des intempéries. Le lendemain, un cortège effectuait un pèlerinage jusqu’à la fontaine Saint-Martin. L’église conservait une châsse abritant les reliques de Sainte-Clotilde. Celle-ci disparut à la Révolution mais fut remplacée par une autre, offerte à la commune en 1860 par l’impératrice Eugénie. Nombre de fillettes reçurent les prénoms de « Clotilde » ou d’« Eugénie » dans le village.


Les croix

Rares sont les villages du Vexin à recenser autant de croix – qui plus est d’aspects aussi variés.

La Croix Fromage, du haut de sa colonne de 2,50m, domine la place Saint-Martin où se tenait au XIXe siècle un marché aux fromages. On y vendait les fromages ronds produits à la ferme du manoir. Elle aurait été déplacée ici à la Révolution depuis la commanderie de la Louvière où elle se serait trouvée à l’origine. Le fût et la croix ont été taillés dans un unique bloc de pierre. La croix, insérée dans un disque, ne serait pas sans rappeler une croix templière retrouvée sur une borne de la commanderie de la Villedieu dans les Yvelines. Elle fait également penser à l’abacus, sceptre de commandement des Templiers.

La Croix Quatre Pieds, est pour sa part un étrange ensemble constitué d’une croix latine posée sur un petit banc de pierre à quatre pieds.

Ces deux croix figurent sur le blason de la commune.

La Croix Pattée d’Omerville est une toute petite croix de seulement 52cm, posée à même le sol sur la place de l’église. Elle aussi aurait été déplacée de son emplacement initial, à la sortie de village.

Un très beau calvaire du XVe siècle, de style gothique flamboyant, se trouve au cœur du cimetière. Jusqu’au milieu du XIXe siècle, la commune disposait d’un second cimetière, situé à proximité de l’église, et dont la croix également très travaillée, est aujourd’hui entreposée dans l’église.


La commanderie de Louvières-Vaumion

Les terres situées au nord de l’Aubette, regroupant les lieux-dits de Louvières, de Vaumion et de Gerville, furent pendant plusieurs siècles le siège d’une commanderie templière.

L’histoire de la commanderie commence en 1181, lorsque Godefroy d’Ambleville cède la justice et la seigneurie du domaine de Vaumion (situé sur l’actuelle commune d’Ambleville) à l’ordre de l’Hôpital Saint-Jean-de-Jérusalem. Le domaine comprend alors une ferme, des terres agricoles, des bois et une chapelle connue sous le nom de chapelle Saint-Thomas, puis plus tard sous celui de chapelle Saint-Léonard.

Avec l’approbation du seigneur Guy de la Roche, seigneur de la Roche Guyon, et du roi Philippe-Auguste, les chevaliers de l’Ordre agrandissent le domaine en achetant, en 1212, les terres de Louvières et de Gerville au seigneur Gauthier de Louvières et à son neveu Raoul. La maison de Louvières et Vaumion est ainsi constituée. Guillaume des Essarts, seigneur d’Omerville et également propriétaire d’une partie des terres, refuse toutefois le droit aux Templiers de disposer des parcelles situées en bord de rivière, ainsi que de son moulin et de son vivier.

La ferme de Louvières

En 1312, la commanderie templière de Villedieu-les-Maurepas (Elancourt, Yvelines) et ses dépendances sont rattachées à la maison de Louvières-Vaumion, suite à la dissolution de l’ordre du Temple.

En 1633, elles sont rejointes par la commanderie de Cernay (Ermont, Val d’Oise), à laquelle sont annexés plusieurs domaines de la région de Saint-Prix (Val d’Oise) et du Pays de Thelle (Oise). Le nom de Commanderie de Louvières-Vaumion sera évoqué pour la première fois à cette date.

Quarante-deux commandeurs se succèderont à sa tête jusqu’à sa dissolution à la Révolution Française. En 1793, elle sera morcelée et vendue comme bien national. De l’ère templière, il ne reste guère plus que quelques caves voûtées et murs d’enceinte sur le domaine de la ferme de Louvières, ou les ruines d’une tour au lieu-dit de Gerville.


Omerville au XIXe siècle

Bien qu’essentiellement tourné vers l’agriculture, le village a vu s’implanter quelques productions artisanales – depuis disparues – au XIXe siècle.

La commune même d’Omerville étant située à l’écart de toute ressource en eau, c’est au niveau des hameaux situés en bordure de l’Aubette, que se sont concentrées ces activités. Une filature de coton fut ainsi installée au Pont d’Hennecourt. On y produisait des bas et des bonnets. Au hameau d’Amiel, le moulin à farine fut transformé en usine. Une trentaine d’ouvriers dont des enfants, fabriquaient de petits objets en acier poli – tire-bouchons, crochets, tire-bottes, tire-gants et pinces – qui étaient convoyés vers Paris où ils étaient stockés avant d’être expédiés vers l’Allemagne ou les Etats-Unis. A la Louvière, un canal parallèle à l’Aubette fut creusé pour alimenter un moulin à papier, transformé en distillerie où l’on produisait de l’alcool de betterave.

En haut dans le village, le manque d’eau ne nuit pas seulement aux activités industrielles et commerciales, il est aussi à l’origine de graves problèmes d’hygiène et favorise des épidémies de typhoïde à répétition. Ce n’est qu’en 1895, avec l’installation d’un bélier hydraulique, que l’accès à l’eau potable est rendu possible. Celui-ci capte l’eau des sources, puis la redirige vers une dizaine de fontaines disséminées sur la commune. Un réservoir communal d’un volume de 50m3, permet également de stocker l’eau. Ce dernier sera utilisé jusqu’en 1974.

A la sortie du village en direction de Villarceaux, une gigantesque mare-abreuvoir, aujourd’hui hors d’eau, servait au millier d’ovins, et quelques centaines de chevaux et vaches élevés sur le plateau.


La tradition des aguignettes

D’après la monographie d’Omerville écrite en 1899, on pratiquait au village la coutume des aguignettes à la nouvelle année. Il s’agit d’une tradition normande, essentiellement implantée en Pays de Caux et Pays de Bray, qui serait apparue au XVe siècle. Le terme d’aguignettes – autrement appelées haguignettes ou reguignettes – viendrait de l’expression médiévale « au gui l’an neuf » – elle-même dérivée du celtique « O Ghel an Heu » – signifiant « que germe le blé » – qu’utilisaient les villageois pour se souhaiter les bons vœux. On l’employait aussi pour désigner la part des pauvres à la Chandeleur.

Les aguignettes sont une sorte de viennoiseries faites à partir de chutes de pâte feuilletée, que les enfants allaient distribuer le 31 décembre, de ferme en ferme, en échange de quelques étrennes (œufs, pommes, oranges…) en s’accompagnant de chants quelque peu menaçants à l’intention des réfractaires.

Haguignettes, haguignettes; Coupez mei un p’tit quignon; Si vous n’voulez point l’couper; Baillez mei l’pain entier; Haguignettes, ma marraine; Les rats ont mangé mon bonnet; Il y a p’us d’six semaines; Que j’couche sans mon capet; Haguignolet; Si vous n’voulez rein donner; À vot’porte j’allons pisser; Haguignettes, ma marraine; Donnez mei du pain, d’la crème; Si vous n’voulez pas m’en donner; Quat’ fourquettes dans vot’ gosier; Haguignolo.

La monographie ne précise pas jusqu’à quelle époque cette tradition a été d’usage à Omerville, mais elle en fait mention au passé. Il semblerait qu’elle ait aussi été pratiquée – à minima – à Vienne-en-Arthies.

Aujourd’hui, elle perdure en Seine-Maritime où quelques boulangers garnissent encore, pendant la première quinzaine de janvier, leurs vitrines de petits lapins, canards ou poissons en pâte feuilletée. Douceurs tantôt nature, tantôt fourrées à la pomme ou à la frangipane, et ornées d’un raisin sec ou d’une pépite de chocolat en guise d’œil.

Retrouvez ici une recette d’aguignettes natures et une recette d’aguignettes fourrées.


Découvrir Omerville

Envie de visiter ce joli village, téléchargez ici la fiche du sentier du patrimoine d’Omerville.

Merci à M. Ducardonnet, un habitant d’Omerville, pour ces deux magnifiques photos !

Séjourner à Omerville

  • Chambres d’hôtes la Musardine : 4 chambres pour 2 à 4 personnes à partir de 77€ la nuit. Table d’hôtes à 27€.
  • Gite Saint-Martin ; gite de groupe pouvant accueillir jusqu’à 13 personnes, principalement loué en formule week-end pour les invités des mariages de la région (forfait 700€).

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