Surprenante Aincourt

Sur l’axe Magny-en-Vexin – Mantes-la-Jolie, Aincourt est une agréable petite commune de 887 habitants, composée d’un bourg principal et des hameaux de Lesseville et de la ferme de Brunel. Et la seule du Val d’Oise sur laquelle on peut savourer d’un moment de pure quiétude dans un jardin japonais. Toutefois, elle porte un lourd passé bien souvent méconnu de nos livres d’Histoire…


Au cœur du village se trouve une charmante place encadrée par l’église Saint-Martin, bâtie au XIIe puis restaurée au XVIe siècle, avec sa jolie tourelle, et le château d’Aincourt (propriété privée).

Devant l’église, on peut remarquer une statue à l’effigie de Gauthier d’Aincourt.

En 1047, Gauthier d’Aincourt, chevalier sans terres, s’enrôle aux côtés de Guillaume, duc de Normandie dit Guillaume le Conquérant. A ses côtés, en 1066, il prend part à la bataille d’Hastings en Angleterre, dont ils sortiront vainqueurs, le 14 octobre, de l’armée du roi Harold, placé sur le trône par un conseil de nobles et d’ecclésiastiques à la mort du roi Edouard, allant à l’encontre des dernières volontés de ce dernier, qui, sans héritier direct, avait désigné son cousin Guillaume comme successeur légitime (ceci rappellera certainement quelque chose aux amateurs de la série Vikings). Guillaume pourra ainsi récupérer le trône d’Angleterre qui aurait dû lui revenir de droit et sera sacré roi à Westminster le 25 Décembre de la même année. Gauthier d’Aincourt se verra quant à lui récompensé par l’octroi des terres du comté du Lincolnshire.

L’un de ses descendants, Charles Teynesson d’Eyncourt, membre du parlement britannique, désireux de retrouver ses racines familiales, achètera en 1846 le château d’Aincourt, dont il restera propriétaire une douzaine d’années.

C’est au cours de la bataille d’Hastings que Gauthier d’Aincourt aurait galvanisé ses troupes d’un « En avant ! En avant ! » qui est depuis restée la devise d’Aincourt.


A quelques pas de là se trouve une maison forte du début du XIIIe siècle, la ferme du vieux colombier ou ferme des champs verts, classée monument historique (propriété privée, non visible depuis la rue). Le colombier en question n’existe plus à ce jour. A l’origine, la bâtisse disposait de deux escaliers extérieurs, dont seul subsiste encore celui de la façade nord menant, au second étage, à une salle décorée d’une fresque murale mettant en scène deux chevaliers.

Photo issue de Wikimedia Commons

A la sortie du village, la Chapelle St Sauveur, qui aurait jadis appartenu à une maladrerie (ou léproserie). Elle abrite un retable de pierre de la fin du XVIe siècle, qui se trouvait à l’origine dans la chapelle du manoir de Brunel. Ce retable représentant la Passion du Christ en cinq volets fut endommagé pendant la Révolution et les panneaux réassemblés dans un ordre différents suite à sa restauration en 1863.


L’ancien sanatorium, une histoire mouvementée et douloureuse…

J’ai profité d’une visite guidée organisée par le PNR à l’automne dernier pour visiter et en apprendre plus sur le site de l’ancien sanatorium d’Aincourt et sa triste histoire.

C’est ici, à 1,5 km du centre du bourg que débute en 1931 la construction du tout premier sanatorium de Région Parisienne, et alors le plus grand de France. Loin de tout, en hauteur et en pleine forêt, l’emplacement est idéal pour soigner les malades de la tuberculose et éviter, grâce à un isolement strict des patients et du personnel et en limitant au maximum tout contact avec l’extérieur, tout risque de propagation de l’épidémie.

Ayant remporté un concours architectural, c’est un projet de trois bâtiments identiques, en forme de paquebot de trois étages disposés en gradins sur 200 m de longueur, édifiés à plusieurs centaines de mètres de distance les uns des autres, qui sera lancé, pour un total de 500 lits. Chaque chambre disposera d’une terrasse exposée au soleil sur laquelle le patient pourra faire une cure de lumière et d’oxygène. Un pavillon sera réservé aux hommes, un autre aux femmes et le dernier aux enfants. Chaque bâtiment sera baptisé du nom de l’un des porteurs du projet : bâtiment Louis Amiard (président du Conseil Général), bâtiment Bonnefoy-Sibour (préfet de Seine-et-Oise), bâtiment Edmond Vian (médecin) Ils accueilleront leurs premiers patients dès 1933.

Toutefois la guerre viendra rapidement changer l’affectation des bâtiments qui seront réquisitionnés en octobre 1940, suite à la constitution du gouvernement de Vichy, pour être transformés en un camp d’internement dit « centre de séjour surveillé » pour détenus communistes, syndicalistes, résistants ou juifs. 1056 hommes et femmes (dont Odette Nilès, la fiancée du jeune militant communiste Guy Môquet fusillé à 17 ans) seront maintenus ici captifs et surveillés par gendarmes et militaires, avant d’être transférés vers d’autres camps tels que Compiègne, Drancy, Auschwitz, Ravensbrück… dont peu en reviendront.

Le camp sera fermé en septembre 1942 pour abriter cette fois une école de police formant des Groupes Mobiles de Réserve chargés de traquer les résistants. Elle sera à son tour dissoute dix mois plus tard.

En 1946, face à une recrudescence de la tuberculose, les bâtiments retrouveront leur fonction première de sanatorium et seront rebaptisés Les Cèdres, Les Tamaris et Les Peupliers. L’apparition des vaccins entrainant le déclin de la maladie, ils évoluent progressivement en centre médical en 1972. En 1988, le bâtiment central devient un centre de rééducation, le Groupement Hospitalier Intercommunal du Vexin, toujours en activité aujourd’hui. Bien que classés aux monuments historiques depuis 1999, les deux autres bâtiments tombent peu à peu à l’abandon – le plus éloigné, complètement perdu dans la végétation – livrés aux vandales aux taggeurs, et aux amateurs d’urbex.  

Pour ne rien oublier de ce qui s’est passé ici pendant la Seconde Guerre Mondiale, une stèle commémorative a été installée à l’entrée du domaine de la Bucaille en 1994 et une cérémonie du souvenir a lieu chaque premier samedi d’octobre, portée par l’association Mémoire d’Aincourt.

Entre le moment où je l’ai visité et aujourd’hui, un projet de réhabilitation du bâtiment Les Tamaris a démarré. Des appartements de luxe devraient voir ici le jour en 2023.


Le jardin japonais du GHI du Vexin

Inattendu au beau milieu du Vexin Français, c’est au cœur du Groupement Hospitalier Intercommunal du Vexin, lui-même situé dans le Bois de la Bucaille, que se trouve un beau jardin japonais. Ce jardin fût créé dans les années 70 à l’initiative du Dr Hamon, alors directeur de l’établissement hospitalier de la Bucaille, afin de procurer du mieux-être aux patients de l’hôpital. Grand passionné du Japon et des principes du Sakutei-Ki (rouleau calligraphié du XIIe siècle reprenant de manière très codifiée l’art des jardins d’après la tradition orale), il veillera à en respecter les grands préceptes.

Plus d’info sur l’origine des jardins japonais, consultez la plaquette éditée par le GHI du Vexin


4 thoughts on “Surprenante Aincourt

  1. JEAN GOUPIL says:

    Passionnant cet article, des photos de toute beauté.
    Je ne pensai pas voir de si belles choses dans notre région.

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