Vigny est une commune de 1083 habitants dont les premières traces écrites apparaissent en 960 dans une charte de l’archevêque de Rouen, Hugues II, au sujet d’une chapelle Saint-Gildart. Dénommée tour à tour Vinneto, Vinetum, Vignei ou Vigney, son étymologie reste incertaine. Elle pourrait être tirée du patronyme romain Vinius, suivi du suffixe -acum, signifiant « domaine de », ou encore faire référence à ses terres autrefois fortement marquées par la culture de la vigne trouvant ici une parfaite exposition. On dénombra en effet à Vigny jusqu’à 462 parcelles.
Jusqu’au XIXe siècle, le hameau du Bord’Haut de Vigny, situé sur la route reliant Paris à Rouen, était une halte importante regroupant auberges, cabarets, maréchal-ferrant, forgeron, bourrelier et charron, et pouvait accueillir jusqu’à 200 chevaux dans ses écuries.
Puis, pendant la première moitié du XXe siècle, de 1913 à 1949, la commune a été desservie par des lignes de chemin de fer secondaires reliant Meulan à Magny-en-Vexin et à Pontoise via Sagy ou Versailles et Saint-Germain-en-Laye à Magny en Vexin. N’en subsiste aujourd’hui que son ancienne gare (propriété privée).
Le développement de la ville, à l’instar de celui de son château, a été encouragé par les puissantes familles qui s’y sont succédées, en particulier par les comtes de Vitali qui ont notamment œuvré à sa modernisation au XIXe siècle. Soucieux d’améliorer la condition des villageois, ils installeront par exemple un médecin sur la commune, et lui fourniront logement, personnel de maison, jardinier et attelage. Ils prendront à leur charge tous les frais de santé des habitants. Ils favoriseront par ailleurs l’accès des enfants à l’éducation en finançant la construction de plusieurs écoles, dont certaines privées tenues par des sœurs, sur les bourgs de Vigny, de Longuesse et de Frémainville. Ils règleront l’ensemble des coûts de fonctionnement des établissements ainsi que les frais de scolarité des élèves. Ils feront aussi construire une gendarmerie, bâtiment toujours visible mais qui n’a plus aujourd’hui cette même fonction.
Le château de Vigny
Depuis toujours centre névralgique de la commune, le joyau de Vigny est sans conteste son magnifique château. Construction Renaissance de 160 pièces réparties sur deux ailes disposées en équerre, il est encerclé de douves en eaux et est relié au parc par deux ponts. Souvent qualifié de château de conte de fées – avec ses tours rondes, fenêtres à meneaux, courtines et mâchicoulis, sa chapelle et sa tour carrée – l’ensemble, ainsi que ses communs (pavillons d’entrée, pavillon de garde, ponts de pierre, écuries, orangerie, manoir de La Comté, ferme du château, serres) et son parc, est classé Monument Historique depuis 1984.
C’est en 1504 que Georges Ier d’Amboise, cardinal et premier ministre du roi Louis XII, fait édifier le château sur les bases d’un ancien manoir seigneurial. Il n’est pas sans rappeler quelques similitudes avec le celui de Chaumont-sur-Loire, à la reconstruction duquel Georges Ier d’Amboise a également pris part. C’est à lui encore que l’on doit la construction du premier château Renaissance de France, le château de Gaillon situé dans l’Eure. A sa mort, le domaine de Vigny revient à son neveu, Georges II, archevêque de Rouen, puis cardinal, qui poursuit les travaux. Il restera dans la famille d’Amboise pendant 45 ans.
En 1555, le château passera à la puissante famille des Montmorency, proche de la famille royale. Il demeurera en sa possession pendant 139 ans durant lesquels les Montmorency y feront réaliser différents travaux d’embellissement. Leur devise, « Alpanos » (sans errer, ni varier), a été apposée sur la façade principale du château. Pendant cette période les roi Henri II et Louis XIII, mais aussi le cardinal de Richelieu, auront l’occasion de séjourner à Vigny.
En 1694, le domaine revient en succession à la famille princière des Rohan-Soubise. Proche ami de Louis XV, Charles de Rohan-Soubise, Ministre et Maréchal de France, y donnera une somptueuse fête en l’honneur de la naissance du dauphin, en 1729. En 1817, il passera à la branche des Rohan-Guéménée.
C’est en 1867 que le comte Philippe Vitali, prince de Sant’Eusebio, issu de la branche française de l’une des plus anciennes familles vénitiennes, et grand industriel dans le ferroviaire, fait l’acquisition du château alors en très mauvais état. Il le fait restaurer par l’architecte Charles-Henri Cazaux dans un style néogothique-troubadour, qui traduit le regain d’intérêt des contemporains du XIXe siècle pour le Moyen-Age et la Renaissance. Cazaux procède également à l’ajout d’un gros donjon carré et d’une chapelle à l’extrémité des deux ailes. A sa mort, son fils Georges Vitali hérite du château. Ce dernier, aviateur qui s’illustrera pendant la Première Guerre Mondiale, a aussi repris les affaires ferroviaires de son père qu’il souhaite étendre au Moyen-Orient et en Asie Mineure. Toutefois celles-ci ne survivront pas à la guerre, et Vitali devra en conséquence se défaire du château en 1922.
Racheté alors par le Comte Robert Le Coat de Kerveguen – dont les aïeux ont bâti leur fortune dans les colonies de la Réunion, où une monnaie baptisée « kerveguen » a même été mise en circulation au XIXe siècle – il restera dans cette famille jusqu’en 1992. Son fils, Yves de Kerveguen occupa par ailleurs la fonction de maire de Vigny pendant 54 ans et son petit-fils Robert de Kerveguen en est l’actuel maire.
Mr et Mme Dewavrin seront à leur suite propriétaires du domaine pendant 9 ans, avant de le revendre en 2001 à une société japonaise qui y hébergera jusqu’en 2009 un centre de formation à la gastronomie française pour étudiants japonais fortunés. Ce après quoi, le château sera laissé à l’abandon pendant plusieurs années, avant d’être racheté en 2016 par Fabrice Levesque, entrepreneur et propriétaire de plusieurs hôtels-restaurants réputés de Lyons-la-Forêt dans l’Eure. Tombé sous le charme de cet extraordinaire édifice, il récupère néanmoins un bâtiment fort délabré dans lequel il envisage d’installer un hôtel de luxe. Cependant le château souffre d’un terrible mal, la mérule, un champignon qui s’attaque aux charpentes, planchers et autres boiseries. Placé en état de péril, il fait depuis 2019 l’objet de colossaux travaux de sauvegarde et de restauration, soutenus par la région, le département et par de multiples appels au mécénat pour faire revivre ce bijou architectural. A mon grand regret, je n’ai par conséquent pas pu photographier moi-même le château…
Pour consulter le site du château ou accéder à la plateforme de dons pour sa sauvegarde, c’est par ici.
Vigny fait son cinéma
Depuis la fin des années 30, ce sont plus de quarante films qui ont été tournés au château de Vigny et dans son parc, comme les Barbouzes, la fille de D’Artagnan ou On a retrouvé la 7e compagnie pour n’en citer que quelques-uns. L’occasion d’accueillir les plus grands acteurs français : Bourvil, Lino Ventura, Gérard Depardieu, Isabelle Adjani, Jean-Paul Belmondo… mais aussi plus récemment la star internationale Rihanna pour le tournage du clip de Te Amo avec Laetitia Casta.
L’église Saint-Médard
Sur commande du Comte Vitali, l’église actuelle fut édifiée en 1894 par l’architecte Tubeuf en remplacement de l’ancienne église du XIIIe siècle, alors en état de délabrement. Contrairement aux codes architecturaux classiques, celle-ci est orientée sur un axe nord-sud afin de s’adapter aux travaux de réaménagements en cours dans le village en cette fin de XIXe siècle. De style néogothique, sa nef haute et étroite est richement décorée d’un chemin de croix en bas-reliefs des sculpteurs marseillais Paganoni et Clovis, de nombreuses statues et de vitraux de Charles Champigneulles représentant les saints patrons sous les traits de membres de la famille Vitali.
Un orgue assemblé par le facteur d’orgues nantais Louis Debierre en 1896 avec 14 jeux d’orgue et 1000 tuyaux, vient compléter l’ensemble. Ce dernier a été restauré à la fin des années 80 à l’initiative du Père Pierre Cazes qui fut curé de Vigny Longuesse pendant 50 ans, et de l’association « les amis de l’orgue de Vigny », puis par la municipalité en 2009. L’an passé, ce sont le clocher, sa flèche, les garde-corps, les gargouilles, le cadran de l’horloge ainsi que huit pinacles qui ont pu être restaurés, redonnant à l’Eglise Saint-Médard toute sa splendeur. Très lumineuse, elle se découvre au son de la musique classique.
La fontaine d’Amboise
A quelques mètres de là se trouve un curieux petit édifice, la fontaine d’Amboise, petite tour hexagonale datant du XVIe siècle, sans ouverture, surmontée d’un toit en poivrière et décorée de colonnettes torsadées.
La ferme de Beauséjour et son colombier
Face à l’église se trouve la ferme de Beauséjour et son logis reconnaissable à sa jolie façade mêlant briques et pierres. Dans sa cour, un colombier octogonal de 28 mètres de circonférence de la fin du XVIIe siècle empruntant ce même style architectural caractéristique de cette époque. Avec 3500 cases, ou « boulins », il laisse présumer de la richesse du propriétaire d’alors, sachant que l’on comptait environ 2 boulins par hectare de terres ; des six fermes présentes à Vigny dans la première moitié du XXe siècle, il n’en subsiste aujourd’hui que trois, d’une superficie moyenne de 137 hectares.
Le lavoir de la Comté
Le lavoir de la Comté est alimenté en eau par l’Aubette de Meulan, au sortir du parc du château. Le surplus se déverse dans l’abreuvoir qui lui est contigu. Victime de la sécheresse, tous deux sont actuellement vides.
Sébastien Vaillant
Au 5 d’une rue portant son nom, une plaque rappelle que naquit ici le 26 mai 1669 Sébastien Vaillant, illustre botaniste du XVIIe siècle et membre de l’Académie des Sciences. Après avoir étudié la chirurgie à l’hôpital de Pontoise et exercé à Evreux, il alla parfaire ses connaissances en botanique au Jardin du Roi à Paris (l’actuel Jardin des Plantes), dont il deviendra par la suite directeur. Il y installera les premières serres chauffées de France où il étudiera les plantes grasses. Il sera surtout le premier à mettre en évidence, le rôle du pistil et des étamines dans la reproduction des plantes à fleurs, suite entre autres, à ses observations menées sur deux pistachiers de Paris. Il laissera en héritage de nombreux travaux, dont un conséquent herbier qui servira de base à la constitution de l’Herbier National (principalement aux sections consacrées aux champignons, fougères et plantes à fleurs) et qui est toujours conservé dans la collection du Museum d’Histoire Naturelle de Paris. Son ouvrage Botanicon Parisiense, qui porte sur ses recherches menées en région parisienne, paraitra à titre posthume en 1723, un an après sa mort.
Les carrières de Vigny-Longuesse
Situées à mi-chemin entre les communes de Vigny et de Longuesse et longé par le cours de l’Aubette de Meulan, le site des carrières fut exploité pour sa pierre calcaire, dite « pierre de Vigny », de 1920 à 2001. Également connu sous le nom de carrières du Bois des Roches, ce site géologique remarquable de près de 22 ha appartenant au Conseil Général du Val d’Oise, est classé en tant qu’Espace Naturel Sensible et figure parmi les Zones Naturelles d’Intérêt Ecologique Faunistique et Floristique. On recense en effet sur ces surfaces boisées et pelouses calcicoles plus de 300 espèces de plantes dont des orchidées sauvages (ophrys abeille), des hêtres centenaires, des insectes et papillons rares ou protégés (grillon d’Italie, oedipode bleu, coléoptères) et de nombreuses espèces d’oiseaux (dont la buse variable et la chouette hulotte).
Mais le site fait avant tout figure de référence nationale et internationale en matière de stratigraphie en tant que principal représentant de l’étage géologique du Danien. Il constitue un véritable témoignage de la transition entre les ères secondaires et tertiaires. 350 espèces de fossiles du tertiaire – algues, coraux et mollusques – ont été recensées sur cet ancien massif corallien. Il y a 65 millions d’années, le Vexin était en effet partiellement recouvert par une mer chaude et jouissait d’un climat tropical. Avec plusieurs strates de craies, de calcaires et de sédiments de différentes périodes, c’est tout un pan de l’histoire du Bassin Parisien qui est ici retracé.
Fait unique en Ile-de-France, les carrières, étant par ailleurs situées sur le tracé de la faille sismique de Banthelu (du nom d’une autre commune du Vexin située à une dizaine de kilomètres au nord-ouest), présentent des traces de mouvements tectoniques.
Plus d’infos
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Visiter les carrières
Pour la préservation du site, celui-ci est fermé au public, excepté à l’occasion de portes ouvertes et autres évènements spécifiques. Gratuits, ils sont répertoriés sur le site des Sorties Natures du Val d’Oise ou celui du PNR du Vexin.
De passage à Vigny
Vous trouverez à Vigny tous les commerces et services nécessaires : boulangerie, café, supérette, bureau de poste, distributeur de billets, pharmacie.
Pour vous restaurer
- Le Rohan sur la place principale
- Le domaine du Centaure
Pour séjourner à Vigny
- Les « co » gite au Bord’Haut de Vigny
- Le gite du Centaure
- ainsi que plusieurs chambres disponibles sur la plateforme Airbnb
Autres activités
- Centre équestre les Ecuries du Centaure
- Galerie d’Arts du Vexin. Exposition permanente et temporaire d’artistes contemporains. Les vendredi, samedi et dimanche de 11h à 20h. Fermé en août.
- Un grand terrain multisports à la sortie du village
A voir également le long du Sentier du Patrimoine de Vigny (fiche à télécharger sur le site du PNR du Vexin)
One thought on “A la découverte de Vigny : un château d’exception en péril, d’anciennes carrières remarquables”