Chars, une ville d’eau et de pierre, qui cache un somptueux joyau


Chars est une commune de 2042 habitants qui apparait sous les noms de « Clars » en 1078, puis de « Chartz » en 1176. Ceux-ci pourraient trouver leur racine dans le terme celtique « kar », qui indique la présence de pierres ou de roches. On les trouve en effet ici en abondance. Tout au long du sentier du patrimoine, on a ainsi l’occasion de voir nombre d’affleurements et de maisons adossées à des parois rocheuses. Chars dispose par ailleurs de carrières souterraines dans lesquelles les chauves-souris viennent aujourd’hui trouver refuge.

Une autre hypothèse voudrait cependant que son nom dérive du latin « essartum » qui désigne une zone défrichée. Le territoire a en effet dû être déboisé pour que les populations s’y installent…


Les souvenirs d’une ancienne place forte

Située sur l’axe Pontoise-Gisors et toute proche de la frontière des deux Vexins, Chars a subi au Moyen-Age, à de multiples reprises, pillages et saccages. Au XIIe siècle, elle possédait une place forte, édifiée dans les marais de la Viosne. Celle-ci fut incendiée par deux fois par les Anglais : en 1167, puis en 1198 par les troupes de Richard Cœur de Lion.

En 1199, une nouvelle forteresse fut construite par Jean de Gisors, seigneur de Chars. Elle sera dénommée Château-Gaillard, en écho à celle des Andelys qui venait tout juste d’être bâtie sur les bords de Seine par Richard Cœur de Lion.

Au XIVe siècle, la ville fut constituée en baronnie – statut qui perdura jusqu’à la Révolution – via la famille d’Aumont, une famille des Flandres, dont les descendants gouverneront un siècle plus tard la cité de Boulogne-sur-Mer.

En 1371, Pierre 1er d’Aumont fonda l’Hôtel-Dieu de Chars.  Celui-ci avait pour vocation d’accueillir si bien les malades et les mendiants, que les voyageurs. Plus tard un très beau retable du XVIe siècle fut installé dans sa chapelle. Il se trouve aujourd’hui au musée Tavet-Delacour de Pontoise. Au XIXe siècle, l’hôtel-Dieu fut transformé en école de filles.

En 1419, Chars tomba aux mains des Anglais, en même temps que Gisors et tout le Vexin français.

En 1548, Louis de Rouville fit édifier des fortifications autour de la ville. Elles comprenaient plusieurs tours et ponts levis. Ce sont elles que figurerait à priori le blason de la commune.

En 1589, Henri III fut assassiné à Saint-Cloud par le moine Jacques Clément, que Jacques de La Guesle, baron de Chars et procureur général du parlement de Paris, avait introduit, sans en connaître les desseins, auprès du roi. De fait, il fut d’abord soupçonné de complicité, avant d’être réhabilité par le nouveau roi, Henri IV.

Une légende voudrait cependant qu’en 1591, des menaces à l’encontre du roi et une tentative d’enlèvement de ce dernier aient eu lieu à Chars. En représailles, Henri IV aurait fait détruire une partie de la ville et le Château-Gaillard à coups de canon. Seules quelques ruines sur des cartes postales anciennes sont encore là pour nous le rappeler.

Source Archives Départementales du Val d’Oise

Jacques de La Guesle fit alors bâtir un nouveau château, cette fois près de l’église.  Quelle était son apparence et quels remaniements a-t-il connu ? Peu d’informations le concernant… Si l’on s’en fie aux cartes postales anciennes, il s’agirait du bâtiment qui se trouve juste avant le parvis de l’église. Une comtesse de Rutault l’aurait occupé au XIXe siècle. Puis il aurait au moins un temps fait office de maison de repos. Il est aujourd’hui occupé par des logements privés.

A la toute fin du XVIIIe siècle, le hameau de Bercagny, situé à quelques kilomètres, fut rattaché à la ville de Chars. On y trouve plusieurs fermes dont l’une présente un colombier-porche du XVIIe siècle. La centaine de boulins, non visibles depuis l’extérieur, est contenue dans la partie du bâtiment qui surplombe le porche. Les oiseaux disposent d’une planche d’envol côté cour. L’ouvrage « Le patrimoine des communes du Val d’Oise » des éditions Flohic émet l’hypothèse qu’il ait pu faire office de fauconnerie.

Sur le même principe, le colombier-porche de la Ferme du Bois-Franc, à l’écart de la ville, abritait mille boulins. Les oiseaux prenaient leur envol depuis une pierre.

Longtemps relais de poste sur la route de Pontoise à Gisors, Chars se développa avec l’arrivée du train au XIXe siècle et vit fleurir les maisons bourgeoises en pierre de taille avec toit à la Mansart, oculus, frises ou colonnades, à l’image du Château de la Groue.

La Villa Dufraine, plus sobre, est un ancien orphelinat qui appartient à l’Académie des Beaux-Arts et abrite une résidence d’artistes depuis les années 1950.


L’église Saint-Sulpice, fleuron de l’architecture religieuse nationale

Si à l’extérieur, l’église Saint-Sulpice présente quelques splendides décors (frises et sculptures en façade, gargouilles et têtes sculptées sur le côté), rien ne laisse néanmoins présager du trésor architectural qu’elle abrite. L’église Saint-Sulpice de Chars est en effet considérée par les spécialistes comme l’un des monuments les plus intéressants d’Ile de France.

Datant du XIIe siècle, elle a en effet en cela d’exceptionnel, d’être l’une des six seules églises de France à posséder un chœur élevé sur quatre niveaux, ce qui peut renforcer l’impression d’étroitesse de la partie centrale mais lui confère une majesté certaine. Ce chœur se déploie autour d’un déambulatoire entouré par cinq chapelles rayonnantes.

Placée sous l’égide de l’abbaye de Saint-Denis, l’église de Chars fit l’objet d’un unique chantier de construction, entre 1160 et 1230, en pleine transition entre l’art roman et l’art gothique. On la dit inspirée des abbatiales normandes, mais c’est principalement à celle de Saint-Germain-de-Fly, située à une quarantaine de kilomètres de là, dans les Hauts-de-France, qu’elle est le plus souvent comparée.

Au XVIe siècle, le clocher s’effondra. Un nouveau, de style Renaissance, fut édifié par des architectes et artisans pontoisiens entre 1562 et 1576. On retrouve ces dates en façade, sur le fronton placé sous l’horloge et au sommet du clocher. Une partie de la nef et certaines voutes durent également être reconstruites.

Au XIXe siècle, entre autres fragilisée par la nature du terrain, l’église présente un état de délabrement inquiétant. Des travaux de restauration – qui vont s’étaler sur plusieurs décennies – commencèrent en 1840, alors que l’église venait tout juste d’être classée Monument Historique. Suite à des premiers travaux de rénovation jugés désastreux, elle se vit déclassée à peine quelques années plus tard. Face au désengagement total de la commune et de l’État, il fallut l’acharnement de trois curés successifs et des habitants de la ville pour réunir des fonds et sauver l’église Saint-Sulpice. Ce n’est qu’en 1912, qu’elle retrouva son classement et que l’état commença à prendre part aux financements des travaux.

Outre son magnifique chœur, l’intérieur de l’église offre à voir une décoration riche et travaillée : chapiteaux et clés de voutes de style gothique flamboyant, agrémentés de motifs végétaux (violettes et autres fleurs, feuilles d’acanthe…), de représentations de monstres et de chimères, d’animaux ou de rois, entre autres personnages ; rosaces… Les vitraux, endommagés pendant la Seconde Guerre Mondiale, ont quant à eux été remplacés dans les années 1950 par de nouvelles pièces modernes et très colorées.

L’église Saint-Sulpice n’est ouverte qu’à l’occasion d’évènements ponctuels, tels que les Journées du Patrimoine ou les week-ends précédant Noël. Ne manquez pas d’aller la visiter lors de ces journées !


Chars et la Viosne

La commune de Chars est traversée par la Viosne et compte aujourd’hui plusieurs étangs de pêche (truites et saumons).

Au XIXe siècle, la qualité de l’eau a permis l’apparition de nombreuses cressonnières. Au début du XXe siècle, on ne dénombra pas moins de 21 cressicultures sur la commune. Les dernières ont fonctionné jusqu’en 1988.

La monographie du village, rédigée en 1899, fait par ailleurs état d’une activité de pêche aux écrevisses qui aurait fait vivre plusieurs familles jusqu’aux années 1840.

Les zones marécageuses ont pour leur part longtemps été exploitées pour leur tourbe.

Trois moulins à farine ont été bâtis sur le cours de la Viosne, dont les Moulins de Chars, à l’origine de la création de l’enseigne Les Moulins Familiaux, sont aujourd’hui toujours en activité.

D’anciens bassins de pisciculture ont quant à eux été transformés en mares pédagogiques à proximité du Moulin de Noisement, édifié au Xe siècle.


8 thoughts on “Chars, une ville d’eau et de pierre, qui cache un somptueux joyau

  1. Piat sylvie says:

    Cela fait 15 ans que je suis arrivé à Chars,
    Je suis tombé sous le charme et suis curieuse de son histoire.
    Merci à vous

    • decouverteduvexin says:

      Même s’ils partagent une identité commune, chacun des villages du Vexin a en effet sa propre histoire. Du plus petit au plus grand, ils sont tous riches de choses passionnantes à découvrir ! Je ne connaissais pas l’église de Chars avant de faire ce reportage, et quelle découverte !

  2. Rainot says:

    Bonjour,
    Merci de faire vivre l’histoire de ces communes.
    Sur la commune de Chars, vous n’avez pas évoqué l’usage des carrières… en champignonnières, dans les années 1930-1950. Mon grand-père ainsi que son père y ont été champignonniste.

    • decouverteduvexin says:

      Merci de ce commentaire intéressant. Je n’en avais pas connaissance et n’ai pas trouvé d’informations à ce sujet en préparant l’article. En se référant à mon autre article sur les champignonnières d’Évecquemont, cela parait en effet logique.

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