Chérence

A l’extrême ouest du Vexin français, Chérence se trouve sur la Route des Crêtes qui relie Vétheuil à la Roche-Guyon, en surplomb de la réserve naturelle nationale des coteaux de Seine.

On ne retrouve les premières traces documentées de Chérence sous le nom de Carencia qu’à partir du XIIe siècle. Néanmoins, il est fait mention bien plus tôt du hameau de Bézu, composé d’une dizaine de maisons, dont quelques ruines sont encore visibles dans le bois tout proche.

En effet dès 716, Bézu est placé sous l’égide de l’Abbaye du Bec Hellouin en Normandie, sous le patronage de St Denis qui donnera par la suite son nom à l’église du village – celle-ci peut être visitée sur demande à la mairie ou bien lors d’évènements particuliers comme les Journées du Patrimoine ; on peut notamment y voir de belles statues polychromes, sculptures et clés de voûte. Chérence sera pour sa part rattachée aux terres du seigneur de la Roche Guyon au XVIe siècle.

Le 1er Mai dernier, j’ai eu l’occasion de (re)découvrir le joli village de Chérence et son histoire à travers celle de la vie de Lise, paysanne du 19e siècle, dans le cadre d’une sortie animée par Claire Vincent-Gardie, guide du Vexin français.

Lise voit le jour à Chérence en 1872, dans une maison de manouvriers. A l’origine ces maisons étaient constituées d’une pièce unique d’environ 4m sur 4 qui faisait office de cuisine, de salle à manger et de chambre pour toute la famille. Au-dessus se trouvait un espace bas servant au stockage du foin. Au XIXe siècle, les toits de chaumes sont progressivement remplacés par des tuiles. A cette occasion, cet espace est légèrement réhaussé, permettant ainsi la création de véritables pièces d’habitation en étage.

A l’image du monde rural de l’époque, Chérence vivait au rythme des travaux des champs et comptait quatre grandes fermes dont l’une a été transformée en un prieuré qui est aujourd’hui toujours en activité. L’une de ces fermes gérait l’autre ressource principale de Chérence : l’exploitation de la pierre. Activité florissante qui permit la transformation progressive des bâtiments de ferme d’origine en une villa cossue connue sous le nom de Château Maigret (propriété privée visible depuis la rue).

Les carrières de calcaire de Chérence ont été exploitées dès le Moyen-Age, cependant c’est sous Napoléon 1er qu’elles connaitront leur âge d’or. En effet la « pierre de Chérence » est reconnue pour sa grande résistance et servira, de Paris à Rouen, à la construction de grands édifices comme le socle de l’Arc de Triomphe, les chevaux du Pont d’Iéna, l’Eglise de la Madeleine, mais également les remparts et le Pont de Mantes pour n’en citer que quelques-uns.

Les blocs étaient initialement transportés par des chevaux jusqu’à la Seine toute proche, puis acheminés par bateau jusqu’à Paris ou Rouen. Avec l’apparition des chemins de fer, ils seront par la suite convoyés vers la gare de Gasny avant de rejoindre leur destination finale.

Malheureusement l’avènement du béton scellera le déclin et la fin des carrières après la première guerre mondiale. Les carriers devront se reconvertir vers d’autres métiers comme ceux de la charronnerie ou de la menuiserie.

Au sein d’une clairière en pleine forêt, les vestiges du site d’exploitation nous rappellent ce passé glorieux. En chemin, une abondante flore printanière agrémente la ballade.

Comme le rappelle la plaque de rue ci-dessous, Chérence disposait autrefois de plusieurs cabarets. « Cabaret » est un mot d’origine arabe désignant un endroit où l’on sert de l’alcool au verre. Comme le voulait la règlementation sur ce type d’établissements, les cabarets devaient être identifiés par la présence sur leur façade de branches de genévrier. Celles-ci étaient décorées de rubans et remplacées une fois l’an par les jeunes gens du village. A Chérence comme en de nombreux lieux du Vexin, on a longtemps cultivé la vigne, à des fins domestiques. A l’instar des autres plants d’Ile de France, celle-ci a totalement disparu au début du XXe siècle, ravagée par le phylloxera. Avant tout lieux de convivialité, les cabarets de Chérence faisaient également office d’épiceries et de relais de poste.

Tout le réseau de chemins que l’on connait aujourd’hui dans nos campagnes était quotidiennement emprunté par les villageois pour se déplacer. A Chérence on les utilisait par exemple pour se rendre au marché de Vétheuil. Les sentiers les plus fréquentés étaient empierrés pour limiter la boue à la mauvaise saison, comme c’est le cas de ce chemin ralliant Chérence à Bézu, que les enfants du hameau empruntaient pour se rendre à l’école ; Jules Ferry ayant rendu celle-ci obligatoire pour les enfants de six à treize ans par une loi de 1882.  

La fermeture des carrières, alliée à la diminution des besoins de main d’œuvre suite à la mécanisation des travaux agricoles, ont conduit au déclin de la population de Chérence, quasiment divisée par deux en un demi-siècle et jamais reconstituée depuis. Elle compte aujourd’hui environ 130 habitants. Son incontestable charme a néanmoins attiré en résidence quelques artistes : peintres, poètes, écrivains, cantatrice… et même le cuisinier d’un tsar. Claude Monet a quant à lui fréquenté Chérence du temps où il habitait à Vétheuil. C’est aussi là qu’a vécu pendant 50 ans l’écrivaine Nathalie Sarraute. Et c’est ici encore qui vit toujours son amie Betsy Jolas, grande compositrice franco-américaine de 95 ans, récompensée en 2021 aux Victoires de la Musique Classique et décorée cette année de la Légion d’Honneur.

Aujourd’hui, Chérence est un village paisible, qui a su conserver son âme d’antan.


Pour en savoir plus sur Chérence

N’hésitez pas à aller consulter le site de la mairie qui propose d’intéressantes vidéos sur l’histoire du village, ainsi qu’une collection de cartes postales anciennes.

Le site Chérence, hier et aujourd’hui, avec son approche généalogique, vous en apprendra quant à lui plus sur ses habitants et leurs métiers et vous rapportera quelques anecdotes les concernant.

Que faire à Chérence ?

Séjourner à Chérence

One thought on “Chérence

  1. Riou says:

    Invation aux voyages, nous a emmené à Cherence,sur les Traces de Nathalie Sarraute. Magnifique petit village comme je les aime. J’ai habitués à Taverny dans ma petite adolescence, ce qui est dommage c’est que nous parents ne nous emennenaient pas souvent visité des endroits si pittoresques. Et aujourd’hui, je suis un peu loin. Mais la VENDÉE a son charme aussi. Annick

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *