Theuville ou l’histoire d’un village au destin singulier

Fort d’une histoire peu commune, le petit village de Theuville tiendrait sa toponymie du nom germanique Teodulf (un ancien seigneur) et du terme latin « villa » (domaine). D’autres ont toutefois préféré à Teodulf le terme grec « théos » (dieu), conférant au lieu une dimension quasi divine, bien loin du qualificatif de « village fantôme » dont il a hérité – à tort ou à raison ? – ces dernières décennies.


Longtemps simple hameau rattaché au village d’Haravilliers et au diocèse de Rouen, Theuville dépendait par ailleurs de la seigneurie d’Ennery. Ce n’est qu’en 1769 qu’il devint paroisse indépendante et qu’en 1793 qu’il gagna son statut de commune. Son relatif isolement et son caractère exclusivement agricole lui valurent de traverser les siècles sans connaître de réels faits marquants.

La charmante église Saint-Claude, fut bâtie dans un style Renaissance au début du XVIe siècle, sur l’emplacement d’une ancienne église du XIIe siècle qui avait été détruite par les Anglais en 1435. La date de 1665, qui figure sur l’une des arêtes d’ogive, attesterait de la date d’achèvement des travaux. Le clocher pyramidal fut pour sa part érigé au XIXe siècle. L’intérieur, constitué d’une nef unique, est simple mais très lumineux grâce aux vitraux modernes et colorés qui ont été posés en 2015. On notera également un joli chemin de croix composé de tableaux émaillés de couleur bleue. Mais la particularité de l’église Saint-Claude, est qu’elle a été édifiée au-dessus de l’une des sources du Sausseron. On dit de Saint-Claude, archevêque de Besançon au Ve siècle, qu’il aurait resuscité trois enfants morts noyés. Un très beau retable de 1947 le représente ici, intervenant lors d’une crue du Sausseron.

Une petite chapelle dédiée à la Vierge fut par ailleurs installée dans une grotte à la sortie du village à l’initiative de la Dame de Balincourt, dont nous reparlerons plus loin, à l’occasion de la communion de sa petite-fille. Une procession y effectua un pèlerinage pendant des années.

Si isolé soit-il, le village de Theuville fut cependant desservi par le train à la fin du XIXe siècle, après que la Société Générale des Chemins de Fer Économiques ait ouvert une ligne à voie étroite en 1886 pour relier les communes de la vallée du Sausseron entre Valmondois et Épiais-Rhus (ligne plus tard prolongée jusqu’à Marines). Située à quelque deux kilomètres de Theuville, la gare de Rhus-Theuville était équipée d’un guichet, d’une salle d’attente, et d’une halle à marchandises. Prévue à l’origine pour affréter les marchandises provenant des exploitations agricoles et des carrières de la vallée du Sausseron, la ligne fut rapidement affectée au transport de voyageurs. Le succès fut tel qu’il fallut rajouter plusieurs wagons aux convois et augmenter la fréquence des trains (jusqu’à quatre rotations par jour), notamment les week-ends lorsque le beau monde en villégiature affluait vers les campagnes. Le trajet depuis Valmondois s’effectuait alors en quarante minutes. Les fastidieuses opérations de manutention engendrées par le transbordement des marchandises à destination de Pontoise et de Paris à Valmondois expliquèrent pour leur part le rapide recul du fret de marchandises. La Première Guerre mondiale, puis l’arrivée des autocars dès les années 1930, signèrent cependant le déclin du transport de voyageurs. En août 1944, la gare de Valmondois fut bombardée et la ligne coupée en plusieurs endroits. Faute de moyens, elle fut définitivement fermée en 1949. Contrairement à de nombreuses autres gares qui furent reconverties en habitations, la gare de Rhus-Theuville est depuis restée à l’abandon et la nature a amplement repris ses droits.

Revenons-en maintenant à ce qui fait aujourd’hui la particularité de Theuville. Comment ce petit village a-t-il vu sa population divisée par dix entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et les années 2000 ?

L’histoire débuta en 1915, lorsque l’homme le plus riche au monde, Basil Zaharoff, acheta le château de Balincourt, dont le domaine se trouve à cheval sur les communes d’Arronville, de Menouville, et de Theuville (n’hésitez pas à consulter l’article sur Menouville pour en savoir plus sur cet incroyable personnage et l’histoire du château). A la mort de Zaharoff en 1936, sa fille présumée, Maria de los Angelos de Borbón y de Muguiro, hérita du château. Dès lors, la « Dame de Balincourt » racheta l’ensemble des terres et des habitations du village à des fins d’assurer au domaine une totale autonomie. Tous les employés, du fermier à l’intendant, furent logés dans les maisons du village ainsi acquises. Bien que particulièrement soucieuse de leur bien-être, la Dame de Balincourt n’en restait pas moins tout à la fois propriétaire terrien, employeur, mais aussi maire du village.

Durant la Seconde Guerre mondiale, à Theuville comme ailleurs, les hommes furent envoyés sur le front. La comtesse, qui disposait de relations parmi l’état-major allemand, fit venir des ouvriers polonais et ukrainiens pour les remplacer sur le domaine. Theuville fut de fait l’un des seuls villages à voir sa population augmenter en temps de guerre. Puis celle-ci s’acheva, et la vie reprit son cours. Le système mis en place par la comtesse dans les années 1930, loin de s’essouffler, fut reconduit de mère en fille. Si à partir des années 1970, les locataires des maisons auparavant constitués par le personnel du domaine, furent peu à peu remplacés par des ménages venus de l’extérieur et travaillant en ville, à la tête de la mairie aucun changement n’intervint. Ce sont trois générations de femmes – la dernière en date étant la comtesse Angèle de Liedekerke Beaufort – qui s’y succédèrent jusqu’au début des années 2000. À cette époque quelques habitants décidèrent de constituer une liste d’opposition aux élections municipales, ce que n’apprécia guère la comtesse. Son beau-frère prit les rênes de la mairie et la comtesse répliqua pour sa part en ne renouvelant pas le bail de ses locataires qui finirent par quitter le village les uns après les autres, faisant chuter le nombre de ces habitants à 25 en 2012. Depuis, une partie des maisons a été laissée à l’abandon et c’est comme cela que Theuville a acquis le statut de commune la moins peuplée du Val d’Oise, avec à ce jour tout juste 53 habitants.

Ceci, ainsi que l’ancienne usine de tourteaux désaffectée à l’entrée du village, n’a bien sûr pas manqué d’attirer les curieux en tout genre (chasseurs de fantômes compris) au point que la municipalité est l’une des premières du département à avoir fait installer un système de vidéosurveillance sur l’ensemble de la commune.

Theuville vit par ailleurs essentiellement des recettes du cinéma.  Elle a entre autres accueilli les tournages des films Chocolat (avec Omar Sy), Au Revoir Là-Haut (avec Albert Dupontel), ainsi que quelques épisodes des séries Un village français ou encore Astrid et Raphaëlle.

Si la comtesse et sa famille n’ont à ce jour pas l’intention de se séparer de leur patrimoine immobilier theuvillois, la comtesse a en revanche récemment décidé de confier la tête de la mairie à l’un des habitants du village. Il semblerait d’ailleurs que la cohabitation entre celui-ci et sa désormais première adjointe se passe plutôt bien. La commune, si petite soit-elle, tient notamment à soigner son fleurissement. Le week-end passé, elle a même organisé un vide-greniers qui a connu un vif succès au vu du nombre de visiteurs présents ce jour-là et à la bonne humeur ambiante qui s’y affichait. Difficile de parler encore de village fantôme dans ce contexte !


Séjourner à Theuville

Envie de venir vous ressourcer au calme ? Quatre beaux gîtes tout confort fraichement rénovés vous attendent sur la commune.

  • Le Berger : gîte pour 4 personnes ; semaine à partir de 570 €
  • Gîte Delbeck pour 4 personnes ; semaine à partir de 480 €
  • Les Fagots : gîte pour 4 personnes ; semaine à partir de 480 €
  • La Chaumière : gîte pour 4 personnes ; semaine à partir de 480 €

4 thoughts on “Theuville ou l’histoire d’un village au destin singulier

  1. ROUX Jacqueline says:

    Je suis nee a Theuville en 1943 ( Japville ) et j’y suis retournee souvent . Mes parents en sont partis lorsque j’avais six ans et j’y pense toujours . Maintenant je vis en Thailande mais la vie a Theuville me semble etre hier !!!

  2. Levasseur says:

    J’apprécie la quiétude qui se dégage de Theuville et ne manque pas une occasion d’y passer. Ai pu profiter des journées du patrimoine il y a 2 ou 3 ans pour visiter l’église.

  3. Goupil Valérie says:

    J ai visité ce village leurs d une randonnée j’ ai pu rentrer dans l église j ai trouvé ce village fascinant et très jolie,par la suite je les fais découvrir a des amis et a ma famille j aime beaucoup m y promener.

    • decouverteduvexin says:

      Nous nous sommes probablement croisées alors, j’étais moi aussi à cette sortie (je ne crois pas qu’il y en ait eu d’autre…) 😊. Theuville est non seulement un très beau village, mais son histoire si particulière lui donne un côté vraiment à part, ce qui fait qu’il est si paisible.

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