Le village de Condécourt se situe dans la vallée de l’Aubette. Constitué du bourg principal et du hameau de Villette, il compte 544 habitants.
Son nom lui vient de l’anthroponyme germanique féminin Gundhilde et du terme latin cortem (domaine).
Sur place, la découverte de silex taillés, d’un vicus gallo-romain et d’une nécropole mérovingienne atteste d’une occupation ancienne.
L’église Saint-Pierre-aux-Liens
L’église Saint-Pierre-aux-Liens (M.H.) de Condécourt est un édifice d’une grande sobriété, présentant peu d’ornements, à l’extérieur comme à l’intérieur. Il en va de même pour son mobilier principalement constitué de quelques statues en bois figurant des anges adorateurs et d’un tabernacle.
La construction de l’église débuta à la fin du XIe siècle par les bases du clocher. Peu répandu dans la région, celui-ci est de forme octogonale et comporte deux étages qui ont été élevés en deux temps. Le premier étage, de style roman primitif, date du XIIe siècle, quand le second est de style gothique. Sa cloche (M.H) a été fondue en 1542. Elle fut baptisée « Martine » d’après le nom de son commanditaire, Martin Damerval.
La chapelle de la Vierge, de style gothique, remonte au XIIe siècle. Quant au chœur, il fut édifié au XIIIe siècle.
La nef carrée date pour sa part du XVIIIe siècle. Elle vint remplacer une construction plus ancienne. Ses murs ne sont pas recouverts d’enduit mais présentent au contraire de belles pierres apparentes ; le plafond est en bois et le sol en tommettes.
Le Château de Villette, joyau de Condécourt
Le Château de Villette, classé monument historique en 1942, se trouve sur un vaste domaine de 75 hectares, accolé au hameau du même nom. Il se compose d’un bâtiment de style classique du XVIIe siècle, auquel on accède par un escalier à double révolution, et de deux pavillons abritant les communs, disposés autour d’une cour d’honneur pavée. Il donne sur un vaste parc comprenant deux larges bassins et des jardins à la française dans la perspective desquels cascade une source jaillissant d’une fontaine.
La seigneurie de Villette est mentionnée à partir du XVe siècle. Le domaine dispose alors de pressoirs à raisin et à pommes – toujours présents aujourd’hui – qui comptaient parmi les plus importants du royaume de France. Les collines alentour étaient essentiellement plantées de vignes, et le vin de Sagy – commune voisine qui appartenait au domaine à cette époque – était très réputé dans la capitale.
L’actuel château de Villette fut construit entre 1663 et 1669 pour Jean II Dyel, comte d’Auffey. On le dit inspiré de la Villa Foscari en Vénétie, que ce dernier avait eu l’occasion de fréquenter dans ses fonctions d’ambassadeur du roi de France à Venise. François Mansart serait à l’origine des plans du château de Villette. C’est néanmoins son neveu Jules Hardouin-Mansart qui aurait poursuivi et achevé les travaux à la mort de son oncle en 1666. Les jardins furent quant à eux dessinés par Le Nôtre.
Jean II Dyel décéda en 1668, dans son hôtel particulier de l’actuelle Place des Vosges, sans avoir vu l’achèvement de la construction. Sans héritier direct, c’est dans la belle-famille normande de sa sœur Marie, qui avait épousé Charles de Mathan, chevalier de Semilly, que passa le domaine. Il y resta jusqu’en 1715.
Année durant laquelle il fut acheté par Pierre Michel Cousin, procureur général du roi. C’est à lui que l’on doit la construction d’une chapelle et l’ajout du monogramme sur la grille d’honneur, en 1746. Sa nièce et son mari Abraham Joseph Michelet, seigneur d’Ennery, qui habitaient également à Villette, entreprirent des travaux d’embellissement du château. C’est de cette époque que datent la bibliothèque, le salon de musique, mais surtout la magnifique salle à manger de style rocaille, avec ses boiseries et ses panneaux peints de chinoiseries dans des teintes de bleu, ceints d’ornements blancs, et ses vasques fontaines. Dans le parc, ils intègrent des miroirs d’eau et font planter des allées de tilleuls.
A la mort de Pierre Michel Cousin en 1750, son neveu François-Jacques, marquis de Grouchy hérita du domaine. Sa fille ainée, Sophie de Grouchy, naquit au château en 1764. Elle y passa son enfance baignée dans un univers où se mêlent érudition, tolérance et bienfaisance. Destinée à devenir chanoinesse, elle fut par la suite envoyée à Neuville-les-Dames, en pays de Bresse, pour parfaire son instruction. Restée bien plus sensible aux écrits des grands philosophes qu’à la religion, de retour au château, quelque temps plus tard, elle fit la rencontre de Jean-Marie-Antoine-Nicolas de Caritat, marquis de Condorcet, mathématicien et inspecteur général de la Monnaie de Paris, de vingt ans son ainé, dont les discours éclairés la séduisirent.
Elle l’épousa en 1786 dans la chapelle du domaine de Villette – le témoin du marié n’était autre que le marquis de La Fayette. Elle s’installa avec son mari à Paris, à l’hôtel des Monnaies. Tous deux, portés par le Siècle des Lumières, se révélèrent de fervents idéologues. Le salon parisien de Sophie de Grouchy était fréquenté par Olympe de Gouges, Thomas Jefferson, Thomas Paine, Charles Stanhope ou Adam Smith – dont elle traduisit certains textes. Condorcet poursuivit quant à lui son plaidoyer en faveur des droits de l’Homme, de l’abolition de l’esclavage, de l’émancipation des femmes, prônant l’instruction du peuple, s’élevant contre la misère paysanne et la peine de mort… A la Révolution, il se positionna en faveur de la République et rédigea quelques pamphlets anonymes pour lesquels il fut dénoncé en 1793. Il dut s’enfuir et se cacha en divers endroits de la capitale et des environs de Paris, avant d’être arrêté quelques neuf mois plus tard. Il fut retrouvé mort dans sa cellule de Bourg-la-Reine le 29 mars 1794. Il aurait avalé le contenu d’une fiole de poison procurée par son ami Cabanis – par ailleurs époux de Charlotte de Grouchy, la sœur de Sophie. (cf article Seraincourt). Sophie de Grouchy, s’éteindra pour sa part de maladie en 1822.
Mais revenons-en au château de Villette qui fut vendu en 1818 par Emmanuel de Grouchy, frère de Sophie et général des armées napoléoniennes, alors exilé à Philadelphie après qu’on l’ait en partie tenu responsable de la défaite de Waterloo en 1815.
Par la suite, de nombreux propriétaires se succédèrent à la tête du domaine pendant près de deux siècles, dont la veuve de l’industriel Jean-Félix Pernod entre 1936 et 1941.
Le jardin fut retravaillé au début du XXe siècle, agrémenté d’un escalier d’eau, d’une statue de Neptune, ou encore d’un obélisque et de sphinx.
Occupé pendant la Seconde Guerre Mondiale, le domaine fut bombardé par les alliés en août 1944. La chapelle, l’orangerie et le parc subirent d’importants dégâts mais furent restaurés dès 1948.
En 1998, le château de Villette fut racheté par Olivia Hsu Decker, une femme d’affaires américaine, qui le convertit en chambres d’hôtes, faisant peu de cas de sa grande valeur patrimoniale.
Ses actuels propriétaires, Irina et Sergeï Bogdanov, en ont fait l’acquisition en 2011, soucieux pour leur part de lui redonner son âme du XVIIIe siècle. Ils ont dès lors lancé un gigantesque chantier de rénovation qui dura 6 ans. Les travaux ont été réalisés par le décorateur Jacques Garcia – qui a travaillé sur les plus beaux projets, de Versailles au Louvre, en passant par l’hôtel Costes à Paris ou la Mamounia de Marrakech – lui-même propriétaire du magnifique château de Champ de Bataille – le Versailles normand, entièrement rénové par ses soins. Grâce à lui, le rez-de-chaussée du château de Villette a pu retrouver ses décors et coloris d’origine, totalement remeublé avec du mobilier d’époque Louis XV. L’étage, malmené par l’ancienne propriétaire, a dû être repensé. Jacques Garcia y a créé six suites toutes plus somptueusement décorées les unes que les autres. L’une des salles de bain est notamment équipée d’une baignoire en onyx du XIXe siècle, ayant appartenu à la Comtesse de la Païva, célèbre courtisane parisienne.
L’architecte-paysagiste Pierre-André Lablaude, s’attacha quant à lui aux extérieurs et aux communs. La cour d’honneur a été complètement repavée, les ailes du château équipées d’une salle de sport, d’un hammam et d’une piscine.
Le château et le parc de Villette ont ainsi retrouvé leur charme et leur lustre d’antan, auxquels est venue s’ajouter une touche de modernité, prompte à séduire les prestigieux hôtes reçus à l’occasion de réceptions où se mêlent luxe et raffinement ; le domaine de Villette s’étant à présent tourné vers l’évènementiel.
Vous l’aurez compris, le domaine n’est pas accessible à la visite, ce qui est fort dommage… Vous pourrez néanmoins en découvrir la splendeur sur le site officiel, ou en consultant le livre « Château de Villette – Fastes d’un décor à la française » de Guillaume Picon (60€ tout de même…).
Vous pourrez par ailleurs l’appréhender au travers du cinéma. Après avoir figuré le château de Moulinsart pour Tintin et le Mystère de la Toison d’Or en 1961, le château fut loué pour le tournage de plusieurs films et séries dans les années 2000 et 2010, le plus mémorable étant bien entendu le Da Vinci Code de Dan Brown (2006) avec Tom Hanks et Audrey Toutou. Plus récemment, en 2019, il fut le cadre du brillant film Les Traducteurs avec Lambert Wilson.